Interview de l'auteur
– Crime au Kitsch semble être un roman à clefs ? S’agit-il d’un vrai roman policier ou d’une autobiographie masquée ?
– Je l’ai vraiment écrit comme un roman policier et j’espère y avoir placé tous les ingrédients d’un bon polar ! On découvre un cadavre, le lieutenant chargé de l’enquête a une personnalité originale (un gay bourré de contradictions, vaguement solitaire, en manque affectif), on va évoluer dans un certain milieu parisien interlope (le Marais gay), et dans un morceau de quartier qui a aussi sa propre atmosphère (le haut Marais encore un peu populaire autour de la rue Au Maire). Ensuite il y a des suspects, une trame qui se met en place et progresse vers une issue finale inattendue et… lyrique ! Pour ceux qui me connaissent, oui bien sûr il y a du vécu dans cette histoire et ils penseront peut être reconnaître des personnages, mais les cartes sont brouillées pour entretenir de la confusion, ils vont se tromper, identifier un faux modèle. D’autres seront vexés de ne pas être là parce qu’ils ne se reconnaîtront pas ! Mais attention, une chose a été complètement inventée : le cadavre de l’amant de La Taulière que l’on retrouve au petit matin sur la piste de danse !
– Justement, vous avez un peu enjolivé le personnage de La Taulière, vous ne craignez pas que l’on vous reproche un auto-portrait complaisant ?
– Quel plaisir de broder sur soi même ! Un des thèmes principaux du livre est la manipulation psychologique, car dans la vie nous sommes sans cesse confronté à la séduction et aux accommodements avec la réalité. Michel Tremblay, le grand auteur québécois faisait dire à Édouard, alias la Duchesse de Langeais (un de ses personnages les plus flamboyants) : « À quoi ça sert de conter ta vie, si tu n'en inventes pas des bouts ? » Donc oui mon portrait de La Taulière dans le livre est sans doute flatteur, comme celui d’autres personnages. J’invente aussi des lieux qui n’existent pas, mais ce serait tellement chouette qu’ils existent !
– Le lieutenant Jacques évolue dans un commissariat bien curieux et finalement très gay friendly.
– Effectivement les policiers que je décris sont très pragmatiques. Il y a bien des collègues du lieutenant Jacques, surnommé La Jacquette, qui font des plaisanteries vaguement homophobes, mais dans ce commissariat fantasmé les policiers gays ou lesbiennes sont à l’aise et visibles. Je suis optimiste à ce sujet, je pense que l’association des flics gays a fait évolué les choses. Dernièrement des amis m’ont raconté des situations assez cocasses, où finalement des policiers hétéros font preuve d’une grande compréhension lorsque des gays viennent déposer plainte.
– Crime au Kitsch n’est donc pas seulement une enquête policière ? C’est aussi une comédie de mœurs.
– J’ai essayé de mélanger les situations et les personnages, je décris donc effectivement une partie de la vie gay à Paris. La vie que j’aime, avec les folles qui nous font rire et nous étonnent toujours, les personnalités des quartiers et des lieux qui donnent de la saveur à nos existences.
– Il y aura d’autres enquêtes du lieutenant Jacques ?
– J’attends les réactions des lecteurs, avec l’appréhension d’un romancier débutant. Mais j’ai déjà en tête plusieurs enquêtes possibles, où il sera toujours question de La Taulière et de son univers. Le roman policier me semble être un excellent moyen de raconter toute mon expérience de vieux gay qui évolue dans le Marais depuis plus de trente ans ! Le roman permet toutes les fantaisies, écrire devient un vrai régal.